À Évreux, les cours d’Arménien célèbrent leurs dix ans - Évreux-ում հայերենի դասընթացները նշում են իրենց տասնամյակը - Serge Tateossian 07/10/2022 : Source Le Parisien
À Évreux, les cours d’Arménien célèbrent leurs dix ans
À l’initiative d’une association, les enfants de la diaspora peuvent apprendre la langue de leurs parents. Un enseignement unique en Normandie, qui valorise également le vivre ensemble.
Syuzanna Chibukhchyan (à droite), enseigne bénévolement la langue arménienne depuis dix ans, notamment à Miléna (à gauche) qui assiste aux cours depuis l’âge de 4 ans. LP/Lou Garçon
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Par Lou Garçon
Le 5 octobre 2022 à 09h00
Miléna retourne à l’école chaque samedi. L’adolescente de 14 ans au chignon plaqué couleur noir corbeau pourrait faire autre chose de ses week-ends, mais elle a choisi d’étudier la langue arménienne de ses parents, « parce que je la comprends bien mais je l’écris encore mal ». Une trentaine d’enfants de 6 à 14 ans – avec chacun ses trousse, cahier et étiquette en alphabet arménien – suivent chaque samedi après-midi les cours dispensés à la maison de quartier de La Madeleine. Ces enfants, regroupés par classe d’âge, sont membres de l’une des 200 familles aux origines arméniennes installées à Évreux (Eure) et ses alentours.
« On leur transmet un patrimoine millénaire tout en valorisant la culture française »
Syuzanna Chibukhchyan, enseignante bénévole depuis dix ans
L’Association arménienne mémoire culture (AAMC) organise ces cours depuis dix ans, ainsi que des festivités et des événements présentant la culture du pays, « pour maintenir vive la connaissance de la langue et du patrimoine chez la nouvelle génération », explique Syuzanna Chibukhchyan, enseignante bénévole depuis dix ans. « On leur transmet un patrimoine millénaire tout en valorisant la culture française », explique cette femme de 37 ans qui exerçait le métier de professeur des écoles avant son arrivée en France.
Langue rare au baccalauréat
Être polyglotte peut ouvrir bien des portes à ces enfants, confirme le président de l’association, Serge Tateossian, un homme d’origine arménienne, né au Liban et arrivé en France à 20 ans : « La langue, les poèmes, les chants… Avoir une double culture, vous ne pouvez pas imaginer comme ça leur est utile. Un proverbe arménien dit : Quand vous connaissez deux langues, vous êtes deux hommes ou deux femmes. »
Certains anciens élèves de la classe sont aujourd’hui étudiants à l’université. Louisa Grigoryan, 17 ans, revient chaque samedi assister l’enseignante. Pour le bac, elle compte passer l’examen de langue rare en Arménien, ce qui lui apportera des points en plus : « J’ai peur d’oublier la langue alors que je suis fière d’être Arménienne, donc je continue de suivre les cours. Être polyglotte m’a aidée à apprendre l’anglais et l’espagnol à l’école. Pour nous c’est plus facile. »
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Pour l’association, il s’agit de mettre en avant le patrimoine des deux pays : « Ces enfants vont naturellement à l’école de la République et le Français doit bien sûr prendre le dessus. On leur explique : vous avez des racines, il n’est pas question de les nier, mais votre première patrie c’est la France. Il y a les lois de la République. On essaye de leur apprendre ça aussi le mieux possible », explique Serge Tateossian.
La communauté arménienne d’Évreux s’est pour la première fois regroupée en association suite au séisme de 1988, pour aider les populations de la région dévastée de ce qui était alors l’Arménie soviétique. Elle réunit les descendants d’Arméniens ayant fui le génocide arménien de 1915, mais aussi des personnes arrivées ces 15 dernières années. L’association a pour prochain projet l’ouverture de cours de musique, classique et arménienne.