Cancale, Mont-Saint-Michel et la Bretagne..

Cancale, Mont-Saint-Michel et la Bretagne…

Au Mont Saint-Michel, qu’un détour du Couesnon mit en Normandie géographiquement, et qui est le seuil de la Bretagne, on aperçoit cette zone singulière, qui rappelle les polders hollandais.
Elle a, comme eux, été conquise sur la mer par l’obstination méthodique des hommes.

Elle est faite d’une vase durcie, grise, très féconde, qui s’appelle la « tangue », et, au printemps, devient un herbage admirable, frangé par l’écume d’une mer qui, sur cette côte septentrionale qu’effleure le Gulf-Stream, à la pointe de le péninsule. Une seule éminence rompt la monotone platitude de ce paysage : son élévation de soixante-cinq mètres, dont on souriait partout ailleurs, suffit à donner ici le titre de « Mont » à ce tumulus qui porte, dit-on, les traces des pieds de l’archange Michel, et au pied duquel se groupent les maisons et la cathédrale Saint-Samson de la vielle ville de Dol. Nominoë y fut couronné, Guillaume le Conquérant dut en lever le siège, les Anglais la reprirent, les Vandéens y obtinrent sur les Bleus un de leur derniers succès en un combat inspirant à Victor Hugo des pages épiques dans Quatre-vingt-treize. Le Mont-Dol était jadis une île, comme le Mont Saint-Michel. Les cultures l’enserrent, pour la prospérité de la région. Mais puisse la Merveille normande qui lui fait face rester toujours environnée d’eau, et être protégée contre les agronomes ! On peut avoir des céréales et des légumes partout en France : mais un chef-d’œuvre comme l’Abbaye du Mont Saint-Michel est unique…

Si la région de Dol est paysanne, la côte cancalaise est riche d’une autre industrie, celle des fameux parcs aux huitres. Rien n’est plus curieux, en fin avril, que de voir les centaines de barques sorties du petit port de la Houle revenir chargées des huitres qu’elles ont draguées sur les bancs du large, et les rejeter à la mer sur certains points désignés par des pieux. A marée basse, une multitude de femmes et d’enfants vont ramasser les tas et les trier, les aligner. Les mollusques, protégés des forts courants par des claies, resteront là deux ou trois ans avant d’être expédiés aux gourmets.

L’eau, tour à tour, cache ou découvre les damiers dessinés par ces parcs dont l’image commence de nous montrer quelques-uns. Du Mont-Dol, on peut envisager l’ensemble de ce travail prodigieux, agricole et industriel. Mais l’artiste s’intéresse davantage à la contemplation, du haut des falaises, de ce paysage maritime de la pointe de Grouin ; de l’île des Rimains, du noir « Rocher de Cancale » dont on voit ici la célèbre silhouettes dans une chaire lumière, et qui annonce Saint-Malo et l’entrée dans la varie Bretagne.

Extraits : La Bretagne de Camille MAUCLAIR
Edité le 15 octobre 1931 Imprimerie Hérissey EVREUX