La deuxième lettre ouverte aux Arméniens de Luis Moreno Ocampo
La deuxième lettre ouverte aux Arméniens de Luis Moreno Ocampo
Trois problèmes sont interdépendants : L’Arménie reste en danger, car un traité de paix avec l’Azerbaïdjan est en cours de négociation ; il n’y a pas de clarté sur la façon dont le peuple du Haut-Karabakh, les victimes du génocide de 2023, pourraient retourner en toute sécurité sur leur terre ancestrale ; et 23 otages arméniens sont toujours dans les prisons de Bakou.
L’Azerbaïdjan accueille la COP29, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, à Bakou en novembre 2024, sous le couvert d’une « COP pour la paix ». Si les Arméniens ne sont pas libérés et que le conflit du Haut-Karabagh est ignoré par les délégués participant à la COP29, le président Aliev disposera d’une puissante tribune pour faire valoir ses ambitions géopolitiques et occuper l’ensemble de l’Arménie.
https://www.norharatch.com/archives/news/luis-moreno-ocampo-il-est-inacceptable-que-la-cop29-ait-lieu-a-bakou-tant-que-les-prisonniers-armeniens-restent-emprisonnes
Un tel scénario non seulement nierait le génocide du Haut-Karabakh et condamnerait les otages à rester en prison pendant de nombreuses années, mais il reléguerait également l’ensemble de la communauté à une relique oubliée du passé et accroîtrait le risque pour l’Arménie elle-même.
Les autorités légitimes de l’Arménie mènent des négociations très complexes. Les Arméniens, en Arménie et dans la diaspora, et les personnes comme moi, préoccupées par les génocides et les guerres, devraient respecter ces efforts tout en sensibilisant au problème et en unissant tous les Arméniens pour protéger le peuple et la terre.
https://www.liberation.fr/international/europe/luis-moreno-ocampo-il-nest-pas-necessaire-que-des-gens-meurent-de-faim-au-haut-karabakh-pour-parler-de-genocide-20230823_HGL4QVQ7BZFRLAV76WIO436E34/
C’est ce qui se passe, les Arméniens du monde entier font campagne. Le 23 août, Berge Setrakian, président de l’UGAB, a lancé un appel au secrétaire d’État américain pour qu’il garantisse la libération de tous les Arméniens détenus en Azerbaïdjan. Il a reconnu les efforts américains, mais s’est inquiété du fait que les paroles de M. Blinken « sont restées lettre morte et continueront d’être ignorées ».
Au cours du mois dernier, des milliers de personnes originaires de plus de 30 pays, dont beaucoup ont des ancêtres arméniens, se sont réunies dans des forums numériques et sur les médias sociaux. Elles étaient unies par les mêmes hashtags : #COP29, #StopGreenwashGenocide, #FreeArmenianHostages et #FreePoliticalPrisoners. Des artistes comme Serj Tankian, et des organisations comme le Comité national arménien d’Amérique, Christian Solidarity International, et l’Assemblée arménienne d’Amérique, LIBERTAS, etc. ont promu la même idée. #StopGreenwashGenocide et #FreeArmenianHostages sont devenus les deux principaux hashtags liés à la COP29 sur Twitter. En plus de la campagne en ligne, des manifestations ont été organisées d’Erevan à Toronto pour réclamer le retour des otages arméniens incarcérés à Bakou.
Le moment est venu d’élargir le mouvement et de le mettre en relation avec les décideurs du monde entier. Les Arméniens ne sont pas les seules victimes d’Aliyev. Il affecte l’environnement, les citoyens azéris et même les parlementaires européens. L’Azerbaïdjan, un pays enrichi par les combustibles fossiles, se présente comme un leader en matière de changement climatique, détournant ainsi les efforts mondiaux. Le régime n’a aucune pitié, il réprime les journalistes, les universitaires et tous les dissidents à l’intérieur de ses frontières. Il y a quelques jours, il a interdit l’entrée en Azerbaïdjan à 76 parlementaires européens de 26 pays pour avoir dénoncé sa corruption.Lors de ma récente visite dans des lycées de Buenos Aires, j’ai rencontré des adolescents qui ont compris que de telles activités compromettaient leur avenir et qui sont impatients de lancer des campagnes TikTok pour atteindre leurs pairs dans le monde entier.
La prochaine étape consistera à exiger des délégués à la COP29 qu’ils fassent entendre leur voix sur ces questions, y compris l’écoblanchiment par Aliyev de ses revenus issus des énergies fossiles, le génocide du Haut-Karabakh, la corruption du système politique en Europe et aux États-Unis, ainsi que les prisonniers politiques et les otages arméniens à Bakou.
J’ai été ravi de recevoir une invitation de Sa Sainteté Karékine II et du Centre pour la vérité et la justice à me rendre en Arménie le 9 septembre. Ce sera une occasion unique de rencontrer les représentants de la société civile arménienne et d’affiner une stratégie commune.
Arméniens, protégeons l’Arménie et menons le monde vers une COP29 véritablement pacifique.
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Luis Moreno Ocampo
Premier procureur de la Cour pénale internationale (CPI)
Buenos Aires, 4 septembre 2024