Que sait-on de la diaspora arménienne en France et dans le monde en un coup d’œil - Serge Tateossian le 07/02/2024

Haut-Karabakh : que sait-on de la diaspora arménienne en France ?

Face aux évacuations massives d’Arméniens du Haut-Karabakh, une manifestation de soutien aux réfugiés doit avoir lieu lundi 25 septembre à Aix-en-Provence. Un soutien qui s’explique notamment par la présence en France de la communauté arménienne la plus importante d’Europe.

  • Capucine Licoys, 
  • le 25/09/2023 à 15:47

Lecture en 3 min.

Haut-Karabakh : que sait-on de la diaspora arménienne en France ?

De jeunes manifestants arméniens de la diaspora brandissent des pancartes lors d’une marche d’hommage, à l’occasion du 108ème anniversaire du génocide arménien, le 24 avril 2023.XOSE BOUZAS / XOSE BOUZAS / HANS LUCAS VIA REU

Un premier rassemblement à Châteauroux (Indre) le 22 septembre, un autre prévu à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ce lundi 25 septembre, une mobilisation parisienne attendue mercredi… Des manifestations en soutien aux réfugiés arméniens du Haut-Karabakh – forcés à fuir cette enclave depuis son passage sous contrôle azerbaïdjanais – essaiment aux quatre coins du pays depuis quelques jours.

Une diaspora dure à chiffrer

Ce soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh tient beaucoup à la forte présence de la communauté arménienne en France, premier pays d’accueil de cette dernière en Europe. Les Arméniens seraient plus de 600 000 en France, dont 400 000 nés sur le territoire français, selon des estimations fournies en 2011 par le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) et le Centre de recherches sur la diaspora arménienne (CRDA).

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De son côté, l’agence de développement touristique de la France parle plutôt de 500 000 personnes. Ces imprécisions s’expliquent par « l’absence de données et de travaux qui permettraient d’évaluer cette présence en France », explique l’historien Boris Adjemian, directeur de la Bibliothèque Nubar de l’Ugab (Paris).

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La plupart des Arméniens présents en France sont arrivés à partir des années 1920, soit cinq ans après le début du génocide arménien perpétré par le gouvernement ottoman. En 1915, les Jeunes-Turcs exterminent entre 1,2 et 1,5 million d’Arméniens, essentiellement chrétiens, considérés comme des citoyens de seconde zone. « La première vague d’arrivées en France date de 1923, quand la République de Turquie est proclamée », explique Boris Adjemian.

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Mustafa Kemal, issu du parti nationaliste qui a orchestré le génocide arménien (Comité Union et Progrès), devient alors le premier président de la République turque. Craignant de nouveaux massacres, de nombreux Arméniens quittent leur pays. « Beaucoup de gens qui n’ont pas été déportés fuient vers la Grèce, et rejoignent ensuite les États-Unis ou la France », continue l’historien.

Trois vagues d’émigration au cours du XXe siècle

Les immigrés arméniens gagnent d’abord Marseille, principale ville de débarquement à cette époque, avant de remonter vers Valence, Lyon, Saint-Étienne puis Paris et sa banlieue. « Partout où il y a eu besoin de main-d’œuvre industrielle après la guerre, on trouve des Arméniens », analyse l’historien.

Ils seront par exemple recrutés dans des usines Citroën implantées à Alfortville, celles de Renault installées sur l’île Seguin, à proximité d’Issy-les-Moulineaux, rappellent Les Échos. Dans le Val-de-Marne, Alfortville a même acquis le surnom de « petite Arménie » : sur 45 000 habitants, entre 7 000 et 9 000 en sont originaires, selon l’office du tourisme du Val-de-Marne.

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Si les années 1920 sont marquées par un afflux important d’Arméniens, d’autres vagues migratoires ont été « complètement oubliées de l’historiographie », rappelle Boris Adjemian. Dans les années 1950 et 1960, des Arméniens toujours présents en Turquie fuient vers la France, par exemple. « Ils sont dans un état de soumission puisqu’ils ne sont pas turcs, donc ils sont ethniquement et linguistiquement perçus comme impurs », analyse l’historien spécialiste de l’immigration arménienne. Dans les années 1970, alors que sévit la guerre civile au Liban, une partie des Arméniens établis là-bas cherchent refuge en France. D’autres émigrent de Syrie dans les années 1960-1970.

Dernière vague d’émigration notoire, celle des années 1990 et 2000, dans un contexte de chute de l’Union soviétique. « Jusqu’à aujourd’hui, des Arméniens venant de la sphère ex-soviétique arrivent en France, apportant un autre bagage », analyse Boris Adjemian. Différence de taille avec les mouvements précédents, ces émigrés ne rejoignent pas nécessairement les bassins les plus peuplés d’Arméniens, notamment les régions parisienne et marseillaise.

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Des communautés essaiment alors à Strasbourg, à Lille ou encore Rennes, dans des endroits où les Arméniens sont quasi absents. « Dans le discours public, seule la première vague migratoire est mise en valeur, conclut Boris Adjemian. Mais les suivantes existent bel et bien et continuent de façonner la communauté arménienne ».